ALICIA DASSONVILLE
Quand je lui ai parlé de cette séance photo, elle a tout de suite accepté.
« Ce sont des photos intimes, il y aura un peu de nudité »
« Aucun problème pour moi ! »
Il faut dire qu’elle est sage-femme, elle connaît le corps des femmes et des mères, le sien comme celui des autres.
Je suis arrivée chez elle en fin de matinée, le temps de faire la route depuis la Belgique. Elle avait préparé quelques draps et accessoires. Tout de suite elle me propose d’aller voir dans la chambre à l’étage car la lumière du soleil pénètre les lieux à cette heure ci.
C’est parfait.
La petite dort encore, nous discutons en attendant son réveil.
Elle me raconte son post parfum, son allaitement, le sommeil de sa fille, le regard des autres sur ses choix. Elle me parle de son métier de sage-femme aussi, un peu.
La petite est réveillée, ce n’est pas la première fois que je la vois, mais elle me connaît peu. Comme un enfant d’un an, elle plonge ses yeux dans les miens et me
dévisage méfiante. Je suis scannée, telle une intruse dans sa maison.
Va-t-elle accepter de me faire une petite place dans ce moment d’intimité qu’elle se prépare à vivre avec sa mère ? Vais-je réussir à me faire oublier face à ce duo fusionnel ? Va-t-elle me laisser être la témoin privilégiée de ce moment charnel ?
La mère et la fille se déshabillent sous mes yeux, la petite continue de me dévisager. Je lui parle, tente de faire connaissance, l’instant d’après elles rient toutes les deux, jouent sur le lit. Déjà l’enfant ne me voit plus, je sors mon objectif discrètement et commence à shooter.
« Tétée ? Tétée » lui susurre sa mère ? Le visage de la petite s’illumine, elle sourit avant de se jeter goulument sur le sein maternel. Le soleil vient caresser la scène et sublimer le geste. L’enfant qui n’a plus rien d’un nouveau-né joue avec ses pieds, regarde sa mère les yeux rieurs, s’arrête quelques instants puis reprend son affaire.
La scène est aussi simple que le geste, naturelle. Pudique mais pas puritain, intime mais pas tabou, doux et puissant à la fois.
Je capture silencieuse cette relation faite de tendresse et d’espièglerie. Cet instant d’intimité loin des remarques et jugements du monde extérieur.
C’est l’histoire d’un choix, un choix de femme, de mère, le choix d’un geste qui s’observe de loin ou se regarde de près.