Fabienne Vranckx

Les morts ont la parole[1]

 Qu'est-ce qui peut amener un médecin à s'orienter vers la médecine légale? Poussons la porte du service de médecine légale dirigé par le professeur Boxho à Liège.

Une véritable passion : exercer le métier d’enquêteur tout en étant médecin. Faire parler la victime. Inspecter les chairs, les cœurs, les cerveaux. Sa vie, c’est la mort. Il la côtoie, la tutoie, lui extirpe la vérité. La réalité dépasse parfois la fiction.

Sentir, toucher, observer

Identifier les impacts de balles ou les lésions, percevoir les odeurs liées à certaines pathologies ou manières de tuer. C’est une méthode déductive : on relève tous les indices que nous livre le corps, et ensuite seulement, on interprète ce qu’on a trouvé. C’est un véritable travail de fourmi.

 3 missions

Le médecin légiste travaille pour le parquet. Il intervient sur réquisition d’un magistrat, du procureur du Roi ou d’un juge d’instruction. Il a pour mission d’éclairer 3 éléments : l’existence d’un décès, le moment et la cause du décès. L’autopsie va déterminer s’il y a eu ou non l’intervention d’un tiers. Chaque organe est décrit en forme, en volume et en poids. Chaque organe est ouvert ou découpé pour observer son architecture interne, vérifier la présence ou non de lésions utiles dans la recherche d’une cause de décès.

 Pénurie de médecins légistes en Belgique

La réalité est bien loin de la série « Les Experts ». En Belgique, la médecine légale est le parent pauvre de la médecine. En 2000, il y avait 42 médecins légistes pour la Belgique. En 2015, ils n’étaient plus que 21. En cause, les horaires de garde (24 heures sur 24 pendant toute la semaine) peu compatibles avec la vie de famille, le contact quotidien avec la mort dans tous ses états.

 Faire parler les morts une dernière fois

Les familles posent toujours deux questions : « De quoi est-il/elle mort(e) ? », « Est-ce qu’il/elle a souffert ? ». Dire la vérité. Donner la parole aux corps une dernière fois, avoir la possibilité d’expliquer à la justice et à la famille ce qui s’est passé. C’est excessivement important puisque la personne n’en a plus les moyens.

[1] Dr Philippe Boxho, Les morts ont la parole, Kennes, Juin 2022

Caroline Dechamps